La spiritualité roumaine au XXème siècle
Discours de S.A.R. le Prince Radu de Roumanie au “Salon du livre” à Paris, vendredi 22 mars 2013 Vos Altesses, Je vous remercie de tout cœur pour ce soir. Il est fort symbolique le fait que, au Salon du livre de l’année 2013, un membre de la Famille Royale roumaine vient parler de l’apport spirituel et artistique de son pays à la culture européene du XXème siècle. La Roumanie, un pays du centre de l’Europe, qui dénombre 22 millions d’habitants, est une île latine au milieu d’un océan slave, formé par la Russie, l’Ukraine, la Serbie, la Bulgarie et la Pologne. La génération de mes parents a utilisé la langue française pour lutter contre la russification soviétique et la langue française fut présente dans le programme scolaire de toutes les écoles du pays, d’une maniere permanente, depuis six decenies. La Roumanie a toujours eu une particularité: assise au carrefour des grands empires et des différentes cultures, sa géographie, son histoire, sa politique ses traditions croisées et, finalement, sa propre culture ont bénéficié d’un mélange d’influences particulièrement riches. Ce n’est, malheureusement, pas toujours le cas de l’architecture de notre pays. La Roumanie a eu du mal a conserver au fil des siècles son patrimoine architectural. On peut à peine trouver une belle maison du XIX-ème siècle. Il ne faut pas chercher l’intérêt des roumains pour la langue française uniquement dans la latinité de notre culture. On pourrait dire que, à la fin du XIXème siècle et au début du XXe siècle, converser, lire et écrire en langue française représentait l’apanage de l’aristocratie, et dans un certain sens il est vrai: le paysan roumain de l’époque ne parlait pas le français et n’allait pas au théâtre régulièrement. Mais si nous pensons que toute la culture française des années ‘20 et ‘30 et puis ‘50, ‘60 notamment à Paris, a été marquée par des roumains, nous allons découvrir une autre dimension du liant profond entre la Roumanie et la langue française. Il n’y a presque pas un seul domaine culturel dans la France de l’époque qui ne soit pas marqué par des roumains: la littérature par Eugène Ionesco, Tristan Tzara et Gherasim Luca, la musique par Darclée, George Enesco, Dinu Lipatti, Clara Haskil, Sergiu Celibidache, suivi par Radu Lupu, Viorica Cortez, Ileana Cotrubas et Angela Gheorghiu, la sculpture par Brancusi, le théâtre par Elvire Popesco et Édouard de Max, la philosophie par Emil Cioran et Mircea Eliade, la science par Henri Coanda etc. La génération qui a précédé le communisme a trouvé dans l’espace de la francophonie une façon de s’exprimer et de survivre. Si bien que, par exemple, l’œuvre de Ionesco, membre de l’Académie Française, a été écrite presque intégralement en français. Il faut savoir que le premier spectacle de théâtre jamais créé en Roumanie, en 1814, l’a été en langue française. Ceci s’est passé à Iasi, ma ville natale, qui est la capitale de la Moldavie. L’opéra a connu une longue carrière en Roumanie, au cours du XIXème siècle, interpreté souvent en langue française. Il ne faut pas oublier que Bucarest fut surnommé, jusqu’avant la deuxième guerre mondiale, “Le Petit Paris”. L’Europe occidentale (un espace que nous Roumains appelions jusque il y a vingt-quatre ans “le monde libre”), a eu la malchance de ne pas connaître, durant les dernières six décennies, le trésor culturel de l’Europe de l’est, malgré la distance géographique relativement petite. Et pourtant, il est habituel à Paris d’associer l’art de la danse à Maïa Plisetskaya ou à Rudolf Nureev, la musique à Prokofiev, à Bartok, à Enesco ou a la Callas, la sculpture à Brancusi et le théâtre à Eugène Ionesco et à Elvire Popesco. Je me fais un plaisir de mentionner ici le formidable destin de Haricléea Darclée, une merveilleuse soprano Roumaine, née dans la petite ville de Braïla, et qui créa d’inoubliables rôles d’opéra à Paris, comme en Europe et aux États-Unis. Muse de Puccini, qui écrivit pour elle “La Tosca”, Darclée fut la première interprète mondiale du rôle en 1901; elle inspira Verdi, Leoncavallo et Mascagni et représenta, pour un certain nombre d’années, une espèce de Sarah Bernard de la musique. Il y a eu aussi une belle jeune femme de la Bessarabie, Maria Cebotari qui éblouit les mélomanes français et d’ailleurs. Quoi dire d’Elvire Popesco, qui non seulement vécut près de la Tour Eiffel, mais dont la célébrité fut souvent comparée avec celle de la tour même. Ou encore Edouard de Max, ce raffiné et intelligent comédien Roumain qui brilla toute sa vie sur les scènes parisiennes, comme Maria Ventura, également, elle qui, sans jamais quitter définitivement la Roumanie fut, pour deux décennies, à chaque saison, une des stars des scènes parisiennes. La brillante génération de Ionesco comprend aussi d’autres noms qui ont leur place particulière, unique dans la culture française: le philosophe Mircea Eliade, qui fut aussi un romancier apprécié, le philosophe Emil Cioran; il ne faudrait pas oublier Brancusi, ce sculpteur qui reste encore tellement présent dans la spiritualité française et qui a réussi la performance d’installer, pour l’éternité, un morceau de village roumain au cœur de la Ville Lumière, devant le centre Pompidou. Brancusi reste aussi fameux par la réplique donnée à son maître, Auguste Rodin. Quand Rodin lui a demandé pourquoi veut-il quitter l’atelier de son maître, Brancusi a répondu: “Parce qu’à l’ombre des grands arbres, l’herbe ne pousse jamais”. Et puis, George Enesco reste non seulement un exceptionnel violoniste et compositeur Roumain, mais aussi un nom de référence de la musique française, comme le furent plus tard les pianistes Dinu Lipatti et Clara Haskil. Marthe Bibesco fut aussi un nom de résonance dans la littérature française, comme dans la vie sociale, culturelle et politique parisienne du début du dernier siècle. Le XXe siècle parisien a connu, dès son début, un vrai exode d’artistes et d’hommes de science Roumains; parmi eux, les constructeurs d’avions Traian Vuia et Henri Coanda, les pionniers, à côté d’Aurel Vlaicu, de l’aviation roumaine et européenne. Sans parler d’autres illustres ingénieurs, avocats, médecins ou encore professeurs d’université. Un moment particulier dans l’histoire commune des deux pays le fut la très originale visite à Paris, en mars 1919, de la Reine Marie de Roumanie, l’arrière grande mère de mon épouse. Assise sur le sofa du salon du train royal roumain la Reine, épouse du Roi Ferdinand de Roumanie, avait déjà commencé à recevoir les journalistes parisiens bien avant l’arrivé du train à Milan. Entourée d’immenses bouquets de fleurs et de “prédécesseurs de Frédéric Mitterrand et de Stéphane Bern”, la Reine transforma son parcours de Milan à Paris en une fantastique offensive “Public Relations”. Ainsi, une fois arrivée à Paris, Raymond Poincaré, le Président de la République, s’est vu obligé de la recevoir à l’Elysée, avec les honneurs militaires, ce qui n’était pas du tout prévu, la Reine n’étant pas un Chef d’état, mais un Souverain consort. Le jour même, elle parla (dans un Français impeccable) devant les membres de l’Académie des Lettres et des Arts, la première femme jamais acceptée à parler de cette tribune et la première à être membre de l’Académie. Elle fut aussi décorée de la Légion d’Honneur et de la Croix de guerre, est devenue membre de l’Institut et de la Société des Gens de Lettre, ainsi que membre du Cercle Interallié. Enfin, sa rencontre avec le “tigre”, c’est-à-dire avec Clemenceau! Cette rencontre qui a décidé l’aide politique de la France pour la réunification de la Roumanie après la première guerre mondiale. Cette femme, la Reine Marie, celle qui avait traversé en long et en large le front roumain pendant deux ans, parlant avec les blessés et encourageant les combattants de la première guerre mondiale, celle qui avait été surnommée “Mama Regina”, cette femme a réussi à rester dans le bureau de Clemenceau pour 90 minutes, au lieu de 20, comme prévu. Nous ne saurons jamais ce que les deux ont parlé. Misogyne et pas particulièrement monarchiste, Clemenceau aurait dit, après vingt minutes: “Restez, Madame, je ne suis pas pressé. En fait, que désirez – vous?” La Reine aurait répondu: “La Bessarabie, la Bucovine, le Banat et la Transylvanie”. Celui surnommé en cachette “le tigre” a répliqué: “Mais Madame, vous me demandez la partie du lion”. Alors la Reine: “C’est ce que la lionne demande au tigre”. Si le dialogue ne peut, quand même, être confirmé, la réunification de la Roumanie, oui. La Roumanie d’aujourd’hui connaît, grâce à la longevité du Roi Michel, un splendid modèle de générosité, de sens du devoir, de moralité et de leadership inspiré. La majorité des Roumains sont fiers et heureux d‘associer leur identité nationale et leur histoire moderne au symbole de la Couronne. Je suis donc très honoré ce soir de vous présenter deux livre en langue francaise et anglaise qui ont connu, recemment, un vrai succes de public en Roumanie. Le livre « L’année du Roi », en version roumaine, fût le bestseller de l‘an 2012, avec plus de 30,000 exemplaires vendus. La Roumanie du début du troisième millénaire est un pays encore en train de guérir les blessures d’une expérience atroce qu’il n’a pas souhaité, un pays énergique, inventif, vif et digne. De nos jours, l’image de mon pays est loin d’être parfaite, loin de ce que nous espérons qu’il devienne un jour. Mais beaucoup de progrès a été accompli dernièrement. La Roumanie reste fidèle non seulement à la France mais, peut-être plus important, à la francophonie et à sa naturelle francophilie. N’hésitez pas de venir à Bucarest, le Petit Paris de l’entre deux guerres. Nous espérons tellement que la Roumanie trouvera maintenant le moyen d’achever le processus de sa modernisation, brutalement interrompu par la deuxième guerre mondiale et ses sinistres conséquences, et que nos amis Français seront à nos côtés dans un dialogue éclairé par nos valeurs communes. |
Votre Altesse,
C est vraiment formidable ce que Vous avez fait ,Vous faites, et j’ en suis sur ,Vous aller faire pour la Roumanie.
Moi ,un simple citoyen ,je Vous remercie de tout coeur pour tout ca ,et je l’ espere bien d’ avoir l’honneur de Vous revoir .Permettez moi s ‘il Vous plait ,Votre Altesse,de vous feliciter pour l ‘aniversaire de la Princesse Margareta .
Vive le Roi !!
Superbe discours, Altesse!
Votre discours est merveilleux.Gabriela Bucur.